Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/426

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« Mes amis, levez-vous dans l’ordre coutumier
Que suit notre échanson, conséquemment la droite. »

Antinoüs a dit ; la chose paraît droite.
Liodès, fils d’Énops, s’avance le premier.
C’était leur aruspice ; auprès du grand cratère
Il s’isolait toujours : or, seul il abhorrait
L’injustice, et des chefs blâmait le caractère.
De prime abord il prend l’arc et l’agile trait.
Se campant sur le seuil, au bander il procède,
Mais n’en vient pas à bout ; ses doigts fins, inexperts,
Sont bientôt fatigués ; il dit donc à ses pairs :
« Amis, je n’en peux plus, qu’un autre me succède.
Cet arc-ci privera maint brave chatouilleux
Du souffle et de la vie ; au fait, mieux vaut qu’on meure
Que de vivre frustré du bien qui dans ces lieux
Fait qu’éternellement notre élite demeure.
Maintenant à part soi chacun va se jactant
D’emmener Pénélope, en l’absence d’Ulysse ;
Mais qu’il éprouve l’arc ! soudain, quittant la lice,
Vers toute autre Achéenne au péplum éclatant
Il portera ses dons : la reine alors, sans troubles,
Suivra le plus offrant et l’élu du Destin. »

Cela dit, il dépose à terre l’arc mutin,
Contre l’un des battants des belles portes doubles ;
Puis, sur le riche anneau son dard aigu penché,
Il retourne s’asseoir à sa place constante.

De suite Antinoüs le gourmande, fâché :
« Liodès, quel propos de ta bouche mordante
S’échappa ? Je frémis de l’avoir entendu.