Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/442

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Ces mots à peine dits, il tire avec prestesse
Son glaive à deux tranchants, pousse des cris de mort,
Marche contre le roi. Prévenant son attaque,
Celui-ci près du sein lui darde un trait bruyant ;
La pointe s’introduit dans le foie. Eurymaque
Laisse échapper sa lame, et tombe, en tournoyant,
Sur une table ; il fait rouler dans la poussière
Les plats, un grand calice ; il heurte de son front
Le parquet ; des deux pieds, dans sa douleur, il rompt
Une chaise, et la nuit voile enfin sa paupière.

Amphinome à son tour sur le fier souverain
Se précipite ; il croit par un bon coup d’épée
Le déloger du seuil. Espérance trompée !
Télémaque en plein dos de sa pique d’airain
Le navre au même instant, lui perce la poitrine.
Il tombe avec fracas, cognant sa tête au sol.
L’enfant recule alors, laissant l’arme assassine
Dans le corps d’Amphinome : un Grec, fondant au vol,
Pourrait bien le frapper ou d’estoc ou de taille,
Tandis qu’il reprendrait sa haste, en s’inclinant.
Près d’Ulysse il retourne, esquivant la bataille,
Et s’approchant de lui, murmure incontinent :
« Père, je vais pour toi descendre deux dardelles,
Une rondache, un casque en métal bien coiffant.
Je m’armerai moi-même, ainsi que nos fidèles,
Le pâtre, le bouvier : bonne armure défend. »

En ces termes répond l’ingénieux Ulysse :
« Va les prendre ; de traits je suis encor nanti.
Mais cours, j’ai peur de rompre, étant seul dans la lice.