Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/95

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Est-ce pour que de lui tout meure, le nom même ? »

Incontinent Médon, dans sa prudence extrême :
« Peut-être quelque dieu lui souffla ce besoin ;
Ou bien agit-il seul en naviguant vers Pyle,
Pour retrouver son père ou savoir s’il mourut. »

D’Ulysse alors Médon quitta le péristyle.
Au comble du chagrin, Pénélope ne put
Sur un siège quelconque attendre davantage ;
Mais elle s’accroupit au seuil de son boudoir
Et gémit longuement : ses serves de tout âge
Avec elle aussitôt vinrent se condouloir.
Entre mille soupirs les harangua la reine :
« Chères, le ciel me voue à plus d’affliction
Que jamais n’en subit femme contemporaine.
Je perdis un époux brave comme un lion,
Plus qu’aucun Danaen distingué, méritoire,
Dans l’Hellade et l’Argos chanté de toute part ;
La tempête aujourd’hui me dérobe sans gloire
Un tendre fils, et rien ne m’apprit son départ.
Eh quoi ! nulle de vous n’a songé, malheureuses,
À m’arracher du lit, lorsque toutes pourtant
Vous saviez qu’il allait sur ces machines creuses ?
Si je l’avais connu, ce projet révoltant,
Certe il serait resté, malgré son ardeur folle,
Ou morte il m’eût laissée en s’échappant ainsi.
Mais qu’on aille quérir le vieil esclave Dole
Que me donna mon père, à ma venue ici,
Et qui soigne les plants du verger : je désire
Qu’à Laërte il recoure et le renseigne en plein.
Il se peut que l’aïeul du prompt danger s’inspire,