Page:Hope - L’Étoile des fées, trad. Mallarmé, 1881.djvu/46

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naturelle, soudain il se rappela l’avertissement de la Nymphe ; et, en dépit de son inclination à faire le contraire, regarda fermement devant lui, puis s’élança à grands pas, résolu à ne se laisser, par aucune parole, induire en une fausse sécurité. Les yeux toujours en avant, il découvrit enfin, dans cette fixité joyeuse de son regard, les tourelles du sombre portail qui devait lui rendre la liberté. Avec de nouvelles forces il bondit au but. La distance cependant était bien plus grande qu’il ne lui avait semblé. Il crut étouffer, à cause de la poussière pareille à du sable chaud ; et languissait fort après une gorgée d’eau, bonne à rafraîchir sa gorge sèche et à étancher sa soif. Pas de fleuve ni même de ruisseau, de sources ni de fontaines à rencontrer sur ce sol nu s’étendant à perte de vue ; et il fallait toujours aller, il fallait continuer, sans se désaltérer, cette pénible route ; quand, ô surprise ! une coupe d’or lui fut présentée par des mains invisibles, pleine d’un liquide rouge et effervescent, qui parut d’une tentation irrésistible au héros consumé… Tenant à pleines mains la coupe bienvenue, il l’élevait ardemment à ses lèvres, mais il crut entendre un petit cri pareil à celui du dragonneau blessé ; et une douce voix sembla lui dire : « Ne bois pas ; ici tout est poison ! » René jeta sur le sol la coupe séductrice,