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art poétique.

rient font rire, de même celles qui pleurent font pleurer. Si tu veux que je pleure, pleure d’abord toi-même. Alors, tes infortunes me toucheront, Téléphus, ou Péleus ; mais si vous dites mal ce que vous avez à dire, ou je dormirai, ou je rirai. Les paroles tristes conviennent à un visage triste ; irritées, s’il est menaçant ; gaies, s’il est joyeux ; sérieuses, s’il est sévère. En effet, la nature nous dispose d’abord intérieurement à nous modeler sur chaque fortune ; elle réjouit, pousse à la colère, nous courbe vers la terre sous un lourd chagrin en nous oppressant. Puis, les mouvements de l’âme sont interprétés par le langage. Si les paroles sont en désaccord avec l’état de chacun, chevaliers et plébéiens Romains pousseront un éclat de rire. Qu’on se garde surtout que Davus parle comme un héros, un vieillard comme un jeune homme dans la fleur de l’âge et plein d’ardeur, une puissante matrone comme une bonne nourrice, un marchand vagabond comme le cultivateur d’un