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livre ii, épitre i.


Ne pense pas que je loue avec restriction ce que je refuse de traiter et que d’autres traitent bien. Il me semble pouvoir marcher sur la corde tendue, le poëte qui, par une vaine fable, me remue le cœur, m’irrite, m’apaise, m’emplit de terreurs imaginaires comme un magicien, et me transporte tantôt à Thébae, tantôt à Athénæ.

Mais à ceux qui aiment mieux se fier au lecteur que de subir les dédains d’un spectateur orgueilleux, accorde un peu d’attention, si tu veux emplir de bons livres un monument digne d’Apollo, et aiguillonner les poëtes afin qu’ils tentent avec une plus grande ardeur l’Hélicon verdoyant.

À la vérité, nous autres poëtes, nous nous faisons souvent un grand tort (pour émonder moi-même ma propre vigne), quand nous te présentons un livre alors que tu es soucieux ou fatigué ; quand nous nous blessons de ce qu’un de nos amis ait osé critiquer un seul de nos vers ; quand nous recommen-