Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que vos outils soient demain à Téanum. » Marié, il ne trouve point de vie préférable à celle du célibataire ; célibataire, il ne voit de bonheur que dans le mariage. De quels nœuds me servir pour enchaîner un aussi mobile Protée ? Et le pauvre, du moins ?... le pauvre, il change de taudis, de meubles, de bains et de barbier : il bâille dans sa petite barque de louage comme le riche dans la trirème qui lui appartient. Vous vous moquez de moi, si je me présente par hasard devant vous, les cheveux bizarrement taillés, si je porte du linge usé sous une tunique neuve, si les pans de ma toge retombent inégaux ; et quand je ne suis pas un seul moment d'accord avec moi-même, quand je quitte au plus vite ce que j'ai recherché avec le plus d'empressement, pour rechercher ce que j'ai d'abord méprisé ; quand ma vie entière n'est qu'un flux et un reflux perpétuel de contradictions, quand vous me voyez démolir, bâtir, faire rond ce qui était carré, vous ne riez point ! Non ; vous ne voyez là qu'un accès de la folie commune, et vous ne croyez pas que j'aie besoin pour cela de médecin ni de tuteur. Voilà donc ce que vous pensez, vous, mon unique appui, vous qui ne pardonnez pas un ongle mal fait à l'ami qui ne vit, que pour vous et que par vous !

Conclusion: Le sage ne voit que Jupiter au-dessus de lui : il est riche, libre, beau, comblé d'honneurs, le roi des rois enfin, et jouissant surtout d'une santé parfaite... quand, la pituite ne le tourmente pas.