Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/223

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forêts incultes. Quand on a ce qui suffit, on ne doit ambitionner rien de plus. Une maison, une terre, des monceaux d'or et d'airain, si leur possesseur est malade, ne délivrent ni son corps de la fièvre, ni son âme du chagrin. La santé est un bien nécessaire, si l'on veut jouir des trésors que l'on a su acquérir. Pour quiconque a des désirs ou des craintes, les palais et les richesses sont aussi utiles que les tableaux pour des yeux malades, les fomentations pour des goutteux, et les sons de la lyre pour des oreilles souffrantes et remplies d'une humeur impure. Si le vase n'est pas propre, tout ce qu'on y verse s'aigrit bientôt.

Méprisez la volupté : la volupté est fatale quand on l'achète au prix d'un seul regret. L'avare est toujours pauvre. Renfermez vos désirs en de justes bornes. L'envieux maigrit de l'embonpoint des autres. Non, les tyrans de Sicile n'inventèrent jamais un tourment plus affreux que l'envie. L'homme qui ne sait pas modérer sa colère désirera ne pas voir s'accomplir ce que la passion et le désespoir lui conseillent, tandis que, dans les transports d'une haine non encore assouvie, il brûle de précipiter sa vengeance. La colère est une courte fureur. Maîtrisez cette passion ; si elle n'obéit pas, elle commande. Imposez-lui un frein; gouvernez-la en l'enchaînant. Le docile cheval dont la bouche est encore tendre, apprend à suivre la route où le dirige la main du cavalier. Le jeune chien chasseur a longtemps aboyé, dans la cour de son maître, après une peau de cerf, avant de porter la guerre dans les bois.

Jeune ami ! voici le moment de nourrir votre âme encore pure des paroles de la raison ; confiez-vous aux maîtres les plus sages. Le vase conserve longtemps le