Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/245

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la boutique solitaire d'un barbier, un homme frais rasé qui, un petit couteau à la main, se coupait tranquillement les ongles. « Demetrius, dit-il (c'était le nom de l'adroit esclave chargé des ordres), va, informe-toi, et reviens m'apprendre quelle est sa famille, son nom, sa fortune, son père ou son patron. » L'esclave va, revient, et dit: « Son nom est Vulteius Mena ; c'est un crieur public d'une mince fortune, d'une bonne réputation ; il aime tour à tour le travail et le repos, sait acquérir et jouir : content de la compagnie de ses égaux, il a un domicile assuré, se plaît aux jeux publics, et, ses affaires terminées, se promène au Champ-de-Mars. — Je suis curieux de tenir de lui-même tout ce que tu m'annonces : dis-lui qu'il vienne souper avec moi. — Mena ne veut pas croire à cette invitation; il s'étonne en silence. — Mais enfin ? — Il répond que c'est trop de bonté. — Me refuse-t-il ? — Le drôle refuse, soit indifférence, soit timidité. » Le matin, Philippe surprend notre Vulteius occupé à vendre de méchantes ferrailles à la canaille en tunique, et le salue le premier. Aussitôt le crieur de s'excuser sur ses travaux, sur la tyrannie des affaires, de ne s'être pas rendu chez lui le matin, enfin de s'être laissé prévenir. « Je te pardonnerai, sois-en sûr, si tu soupes aujourd'hui avec moi. — Comme tu voudras. — Tu viendras vers neuf heures, maintenant, courage et bonne chance ! » Vulteius, exact au rendez-vous, parle à tort et à travers; enfin on l'envoie se coucher. Dès lors, comme le poisson crédule court à l'appât qui lui cache l'hameçon, notre homme, client le matin, et le soir convive assidu, est invité à venir, pendant les féries latines, visiter un domaine voisin de Rome. Juché sur un bidet, il ne se lasse point de louer le sol et le climat de Sabine.