Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/247

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Philippe le voit, s'en amuse ; et, tout en voulant se délasser et s'égayer un moment, il donne à son compagnon sept mille sesterces, promet de lui en prêter sept mille autres, et lui met en tête d'acquérir une petite propriété. Il l'achète. Enfin, pour ne pas lasser ta patience par de trop longs détails, notre citadin se fait paysan ; il ne parle plus que de sillons et de vignes, prépare ses ormeaux, se tue de travail, et la soif de posséder le vieillit à vue d'œil. Mais, quand il voit ses brebis dérobées, ses chèvres mortes de maladie, la moisson tromper son espoir, et ses bœufs succomber à la fatigue, rebuté de tant de pertes, il enfourche un cheval au milieu de la nuit, et court furieux à la maison de Philippe. « Vulteius, lui dit celui-ci en le voyant si hâve et si négligé, tu es, ce me semble, trop dur à toi-même et trop serré. — Par Pollux, patron, tu dirais trop misérable, si tu voulais me donner le vrai nom qui me convient. Aussi, je t'en supplie, je t'en conjure, par ton génie, par cette main que j'embrasse, par tes pénates, rends-moi à mon premier état. »

Une fois qu'on a reconnu combien ce qu'on a dédaigné vaut mieux que ce qu'on désirait, il faut, par un prompt retour, reprendre ce qu'on a quitté. Il est juste que chacun se mesure à son aune, et se chausse à son pied.