Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/255

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et les fureurs du Lion irrité par les feux du soleil ? en est-il où les cruels soucis de l'envie troublent moins le repos et le sommeil ? Les fleurs des champs flattent-elles moins la vue et l'odorat que les marbres de vos monuments ? l'eau qui, dans vos rues, s'efforce de rompre les canaux de plomb où elle est emprisonnée, est-elle plus fraîche et plus pure que celle qui suit avec un doux murmure la pente naturelle d'un ruisseau ?

Mais quoi ! à Rome même, vous voulez que des forêts s'élèvent parmi vos colonnes de marbre; vous vantez la situation d'une maison d'où la vue embrasse au loin de vastes campagnes. Tel est l'empire de la nature: vous la chassez avec violence, elle revient, se glisse à travers les injustes dédains que vous lui opposez, et finit par en triompher. Le marchand ignorant qui, trompé par le faux éclat des laines teintes à Aquinum, les confond avec la pourpre de Tyr, ne commet pas une erreur plus fatale, plus contraire à ses vrais intérêts, que l'homme qui ne sait pas discerner le vrai d'avec le faux. Celui qu'enivrent les faveurs de la fortune se laissera abattre par le vent de l'adversité. Si vous vous attachez passionnément à un objet, la perte vous en sera très sensible. Fuyez l'éclat et les grandeurs : on peut, sous un humble toit. mener une vie plus heureuse que les rois et les favoris des rois.

Le cerf, abusant de sa supériorité, chassa, dit-on, le cheval de leurs communs pâturages. Vaincu après un long combat, le cheval implora le secours de l'homme et se soumit au frein. Bientôt vainqueur et triomphant, il chassa à son tour son ennemi; mais sa bouche ne put s'affranchir du mors, ni son dos du cavalier qui l'a subjugué. Ainsi l'homme qui, redoutant la pauvreté, sacrifie