Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/277

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vous êtes sain et bien portant, peut-être irez-vous, au moment du repas, cacher la fièvre qui vous consume, jusqu'à ce que votre main tremblante trahisse le secret de votre mal. Les sots, par une mauvaise honte, enveniment leurs plaies en les cachant. Si l'on vantait vos exploits et sur terre et sur mer, si vos oreilles étonnées étaient chatouillées de ces douces paroles : « Puisse Jupiter, qui veille sur Rome et sur vous, nous laisser toujours douter si le salut du peuple vous est plus cher qu'au peuple votre salut ! » vous y auriez bientôt reconnu les louanges d'Auguste.

Eh bien, lorsque vous acceptez le titre d'homme sage, d'homme irréprochable, ce titre, en conscience, le méritez-vous ? « J'aime à m'entendre appeler sage et vertueux. » Et moi aussi je l'aime. Mais ce peuple, qui aujourd'hui nous donne ces titres, demain, si tel est son caprice, nous les ôtera : « Abdique, dit-il, c'est mon bien. » J'abdique, et triste je me retire. Mais que le peuple, en me poursuivant, crie: Au voleur ! au débauché ! qu'il m'accuse d'avoir étranglé mon frère, me laisserai-je émouvoir à ces calomnies ? changerai-je de couleur ? A des outrages, à des honneurs non mérités, qui peut se laisser effrayer ou séduire ? qui, sinon l'esprit faible et malade ? Quel est donc l'homme de bien ? c'est celui qui se soumet aux décrets du sénat, aux lois, à la justice; celui dont l'équité termine de nombreux, d'importants procès; dont le nom seul est une garantie pour nos intérêts, dont le témoignage décide d'une cause. Mais au fond, et sous cette enveloppe brillante, toutes les familles, tous les voisins, aperçoivent la laideur de son âme. « Je n'ai pas volé, je n'ai point pris la fuite, me dit un esclave. — Tu n'auras pas les étrivières: ce sera là ta récompense. — Je n'ai tué personne. — Suspendu à