Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/279

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un gibet, ton corps ne servira pas de pâture aux corbeaux. — Je suis donc laborieux et économe. — A Sabinum, on ne le croit pas. N'ai-je pas vu, en effet, le loup prudent éviter le piége qui lui est tendu, l'épervier, les lacs perfides; et le milan, l'appât caché. Dans l'homme de bien, la haine du vice, c'est l'amour de la vertu; pour toi, la crainte du châtiment fait ton innocence: espère l'impunité, et, dès lors, pour toi rien ne sera sacré. Sur mille mesures de fèves, si tu ne m'en dérobes qu'une, moindre est mon dommage, et non ton crime.

Cet homme de bien, dont le Forum et tous les tribunaux admirent la justice. immole-t-il aux dieux un porc ou un bœuf; d'abord, priant à haute voix, il s'écrie : « Janus, Apollon ! » puis, craignant d'être entendu, du bout des lèvres, il murmure cette prière : « Belle Laverne, fais que je trompe tous les yeux ; qu'on me croie la justice et la sainteté même ! Étends sur mes fourberies un nuage épais, sur mes crimes une nuit impénétrable. »

Eh ! quoi ! vaut-il mieux qu'un esclave, est-il plus libre, l'avare qui se baisse pour ramasser dans les carrefours le sou qu'y a cloué la malice des enfants ? je ne le crois pas. Désirer, c'est craindre: or, qui vit dans la crainte ne vivra jamais libre. Lâche soldat, il a livré ses armes, il a abandonné le poste de la vertu, celui qui sans cesse travaille et se tue à grossir sa fortune. Quand vous pouvez vendre un captif, vendez-le, ne le tuez pas ; ce vous sera un serviteur utile. Endurci à la peine, il fera paître vos troupeaux, labourera vos champs, et, marchand intrépide, affrontera, au milieu de l'hiver, les tempêtes de l'Océan, pour transporter dans Rome du blé et d'autres denrées. L'homme de bien, l'homme sage a un autre langage. « Penthée, roi de Thèbes, dira-t-il, quelles peines, quels traitements me feras-tu