Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/283

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partage des seuls opulents ; crois-moi, il n'a pas mal vécu, celui qui a su cacher sa vie et sa mort. Cependant, si tu cèdes au désir d'augmenter le bonheur des tiens, et si tu veux toi-même ajouter aux délices de la vie, maigre convive, approche qui vit grassement.

Diogène dit à Aristippe : « Si tu savais manger des herbes, tu dédaignerais le commerce des rois. — Si tu savais vivre avec les rois, tu ne mangerais pas d'herbes, » lui répondit Aristippe. Choisis ; de ces deux sentiments lequel approuves-tu ? ou, comme le plus jeune, écoute-moi ; apprends ce qui me fait donner la préférence aux discours d'Aristippe. Sans doute il évitait ainsi la mordante ironie du Cynique : « Si je plaisante, c'est pour mon propre plaisir, et toi, tu grimaces pour le peuple. N'est-il pas plus convenable, plus honorable même, de monter un excellent coursier, et de s'asseoir à la table du prince ? Je suis courtisan, soit ; toi, tu vas, de porte en porte, mendier de vils aliments. Tu te vantes de n'être asservi à aucun besoin, et tu te soumets à celui qui te donne. » Tout convenait à Aristippe, le costume, le temps et les choses. S'il convoitait un plus heureux avenir, il savait jouir du présent avec une âme égale. Au contraire, le Cynique, qui, fier de sa patience, se revêt à peine de deux lambeaux de drap, ne changera point la route de sa vie, ou j'admirerais ce changement. L'un n'attendra pas pour sortir qu'on lui présente un manteau de pourpre: quel que soit l'habit qui le couvre, dans les lieux les plus fréquentés, il se montrera avec le même avantage, sous l'un et l'autre aspect. L'autre, au contraire, évitera avec plus de soin le riche manteau de Milet que le dogue menaçant ou le serpent hideux ; il se laissera mourir de froid, si on ne lui rend