Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses vieux lambeaux. Rends-les-lui donc, et qu'il garde son délire.

Triompher dans les combats, et traîner aux yeux de ses concitoyens des ennemis captifs, c'est atteindre une gloire divine, et s'élever au trône de Jupiter. Ainsi, n'est-ce donc pas se rendre digne des plus grands éloges que de plaire aux héros ? Mais on le sait: il n'est pas permis à tous les mortels d'arriver à Corinthe. Que celui qui ne croit point y parvenir demeure; d'accord : mais celui qui a triomphé a-t-il agi avec sagesse et courage ? Voici le fait: ce que nous cherchons est là, ou n'est nulle part. Celui-ci croit le fardeau au-dessus de son faible corps et de son âme débile ; celui-là, d'un bras puissant, le soulève et le transporte. Ou la vertu n'est qu'un vain nom, ou l'honneur et la récompense sont dus à l'homme qui marche et parvient à un noble but.

Il faut avec art taire la pauvreté devant le prince ; on obtient plus ainsi qu'à se plaindre sans cesse. Recevoir avec modestie, ou prendre effrontément, la différence est extrême; voilà le principe de tous biens, là en est la source. Crier sans cesse : « Ma sœur n'est point dotée, ma mère est pauvre, mon domaine n'est ni facile à vendre, ni assez productif pour me nourrir, » n'est-ce point crier : « Donnez-moi à manger. » Mais un autre, attiré par ces cris, vient fondre sur l'aumône. « Donnez-moi, donnez-moi, je lui rendrai la moitié de ce pain. » Si le corbeau savait se repaître et se taire, sa proie ne serait pas divisée et disputée par des concurrents envieux.

Celui qui accompagne un grand à Brindes ou aux délices de Surrentum, et qui murmure des entraves du chemin, se plaint de la froidure et de la pluie, ou feint que sa cassette a été enfoncée ou pillée ; celui-là imite les ruses des courtisanes qui pleurent une parure qu’elles