Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/289

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attentif au moindre signe de son patron, relève et répète le plus petit mot qui lui échappe ! C'est l'enfant qui récite sa leçon devant un maître sévère; c'est l'acteur en second qui s'efforce de faire valoir le premier.

Cet autre, au contraire, armé jusqu'aux dents des arguments les plus frivoles, est toujours prêt à disputer sur des riens, sur la laine des chèvres, par exemple. « Comment ! on ne m'en croira pas de préférence ! je n'aurai pas le droit de faire prévaloir mon avis ! une seconde vie ajoutée à la mienne ne m'y ferait pas renoncer. » Et de quoi s'agit-il au milieu de tout cela ? De savoir si le gladiateur Castor est plus habile que Dolichus, ou s'il vaut mieux prendre la voie Numicia, pour aller à Brindes, que la voie Appienne.

Celui que les femmes et le jeu ruinent à l'envi, que sa vanité condamne à un luxe que lui interdit sa fortune, celui que dévore une soif d'argent que rien ne saurait éteindre, et qui ne craint et ne fuit rien tant que la pauvreté, ne sera bientôt qu'un objet de haine et de dégoût pour son riche protecteur, plus vicieux souvent que le protégé ; ou, s'il ne le hait pas, il le maîtrise : c'est une bonne et sage mère qui veut que sa fille soit plus vertueuse qu'elle. Mais, au fond, il a presque raison : « Je suis riche, dit-il ; à moi permis de faire des folies: mais toi, mon ami, ta fortune est bornée ; ta mise doit sagement l'indiquer. Crois-moi, ne tente pas une lutte inégale. » Le malin Eutrapèle voulait-il jouer un tour à quelqu'un, il lui envoyait de riches habits ; et voici comme il raisonnait à cet égard : « Avec ces beaux habits, mon homme va se croire le favori de la fortune, former de grands projets, concevoir de belles espérances ; il dormira la grasse matinée,