Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/293

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refus, on n'ignore pas que, malgré la mesure parfaite qui règle toutes vos actions, vous vous livrez quelquefois à de petits jeux, quand vous êtes à la campagne. Une armée navale composée de jeunes gens se partage en deux flottes ; vous commandez l'une, votre frère est à la tète de l'autre : c'est la bataille d'Actium ; votre lac Lucrin devient l'Adriatique, et l'on se bat jusqu'à ce que la victoire se soit déclarée pour l'un ou l'autre parti.

Celui qui vous verra applaudir à ses goûts applaudira aux vôtres des deux mains à la fois.

Encore quelques conseils (si toutefois vous en avez besoin), et je finis. Pesez longtemps ce que vous allez dire d'un autre, et sachez à qui vous le dites. Fuyez le curieux, car il est naturellement bavard: des oreilles toujours ouvertes retiennent difficilement ce qu'on leur a confié, et le mot une fois lâché n'a plus d’ailes pour revenir. Point d'intrigue amoureuse, surtout avec l’esclave favorite ; car, de deux choses l'une: ou le maître croira, en vous en faisant le mince cadeau, vous rendre le plus heureux des hommes, ou son refus vous mettra au désespoir. Regardez-y plus d'une fois avant de hasarder une recommandation, et ne vous exposez pas à rougir des fautes d'un autre. Trompés nous-mêmes, nous nous intéressons souvent pour qui ne le mérite pas. Retirez donc votre appui à celui qui l'aura surpris, pour le conserver à celui dont vous connaissez la probité, et que la calomnie poursuit. Prenez-y garde: la dent jalouse qui l'attaque, pourra bien ne pas vous épargner. Quand le feu est à la maison voisine, vous pouvez craindre pour la vôtre, et l’incendie fait des progrès à la faveur de votre négligence. Il y a dans l'amitié des grands quelque