Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/295

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chose de séduisant pour qui n'en a pas l'expérience ; celui qui les connaît les redoute. Faites donc en sorte, tandis que vous voguez à pleines voiles, que le vent ne change point et ne vous reporte pas en arrière.

Point de sympathie entre le rêveur mélancolique et l'ami de la joie, entre l'homme actif, laborieux, et les caractères lents et tranquilles. Refusez la coupe de ce buveur qui fait intrépidement couler le falerne jusqu'à minuit, et vous verrez comme il recevra vos excuses, quand vous lui alléguerez les vapeurs du vin pendant la nuit. N'apportez nulle part un front assombri: votre modestie ne serait bientôt qu'une réserve étudiée, et votre taciturnité une censure sévère de ce que disent les autres. Puisez dans de bonnes lectures, dans le commerce habituel des hommes instruits, les moyens de soustraire des jours paisibles aux tourments de la cupidité, au supplice de la crainte ou aux illusions des vaines espérances. Recherchez si la vertu est un fruit de l'étude ou un don purement gratuit de la nature ; si ce sont les honneurs ou les richesses qui garantissent la tranquillité, ou si on ne la trouve pas plutôt dans les sentiers secrets d'une vie obscure et retirée.

Pour moi, cher Lollius, quand j'ai une fois regagné mon petit ruisseau de la Digence, dont l'onde abreuve le hameau de Mandèle, où le froid est toujours si vif, savez-vous bien ce que je demande aux dieux ? de conserver le peu que je possède, et moins encore ; de vivre