Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/297

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pour moi ce que leur indulgence me réserve de jours ; de ne jamais manquer de livres, et d'avoir toujours devant moi une année de mon petit revenu, pour n'en pas être à vivre au jour la journée. Voilà tout ce qu'il faut demander à Jupiter, qui donne et retire à son gré. Qu'il m'accorde la vie et les biens nécessaires : j'attends de moi seul l'égalité d'âme.


ÉPITRE XIX. A MÉCÈNE.

S’il faut en croire le vieux Cratinus, savant Mécène, les vers que composent les buveurs d'eau ne peuvent plaire ni vivre longtemps. Depuis que Bacchus a enrôlé parmi les Faunes et les Satyres les poètes au cerveau délirant, les douces Muses ont commencé à sentir le vin dès le matin. Les louanges qu'Homère donne au vin l'accusent de l'avoir aimé, et notre bon Ennius lui-même, ce n'était qu'après boire qu'il s'élevait à chanter les combats. « Les gosiers secs, je les renvoie au Forum et au puits de Libon; les gens austères, je leur interdis de chanter. »

Depuis cet arrêt de Cratinus, les poètes n'ont pas cessé, la nuit, de s'enivrer à qui mieux mieux; le jour, de puer le vin. Eh quoi ! parce que le premier venu, pour singer Caton, prendra un air farouche, ira pieds nus, portera une toge écourtée, nous rendra t-il pour cela la