Page:Horace - Œuvres complètes - Satires, épîtres, art poétique, tome 2, 1832.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vertu et les mœurs de Caton ? La parole rivale de Timagène écrasa Iarbitas, tandis que celui-ci faisait le bel esprit et s'évertuait à se faire une réputation d'éloquence. On s'égare avec un modèle dont les défauts sont faciles à imiter. Si je venais à pâlir, ils boiraient du cumin, pour être plus pâles encore.

Ô imitateurs, troupeau d'esclaves, combien de fois vos efforts ont remué ma bile ! combien de fois ils ont provoqué ma gaieté ! N'écoutant que moi-même, le premier j'ai porté mes pas dans une carrière inconnue ; mon pied n'a point foulé la trace d'un devancier. Celui-là conduit l'essaim, qui a le courage d'être son propre guide. Avant tout autre j'ai fait connaître au Latium les iambes du chantre de Paros, imitant la mesure et la verve d'Archiloque, non ses idées et ses expressions funestes à Lycambe.

Et n'allez pas orner mon front d'une moindre couronne, parce que je n'ai pas osé changer le mètre et la facture de ses vers : les chants de la mâle Sapho, et avec eux les chants d'Alcée, tempèrent l'âpreté d'Archiloque ; mais, bien différent quant au sujet et dans son allure, Alcée, dans mes chants, ne cherche point un beau-père pour le noircir de ses outrages, et ses vers diffamatoires n'attachent point la corde au cou de sa fiancée. Ces accents, qu'aucune bouche n'avait encore fait entendre, le premier je les ai révélés au Latium. Je suis heureux de voir mon livre, qui n'en rappelle aucun autre, fixer les regards des classes libres, et s'arrêter dans leurs mains.

Maintenant, veux-tu savoir pourquoi le lecteur ingrat, qui chez lui aime et exalte mes ouvrages, une fois dehors, devient injuste et les décrie ? C'est que je ne sais pas quémander les suffrages d'une multitude