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Page:Horace - Odes, Épodes et Chants séculaires, Séguier, 1883.djvu/15

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V
PRÉFACE.

notre prosodie, moins pauvre qu’où ne la suppose, et ses gammes si variées, afin de les appliquer tour à tour au modèle, si l’on en veut sauver religieusement la fleur et l’éclat. Ces qualités si difficiles à rencontrer, M. le comte de Séguier en a donné brillamment la preuve dans sa traduction des Amours d’Ovide, si favorablement accueillie du public. Dans celle des odes d’Horace, il entre avec une habileté rare dans le svelte et le découpé des rythmes, serre les images de près et fait saillir dans un vers moulé exactement sur le latin le détail particulier qui seul égayé à la fois et réalise la poésie. Au lieu de s’asservir, comme d’autres, à une littéralité méticuleuse, à un humble décalque, il a rivalisé le plus souvent avec son auteur, reprenant à son compte l’idée première et réinventant, pour la produire en notre langue, une forme animée et vivante. En un mot, il a versé le divin breuvage dans une coupe semblable et sculptée avec art. Jamais il n’a rendu les armes sans avoir tenté les derniers efforts d’adresse et de souplesse de nerf dans la lutte. Nous pourrions en citer de nombreux exemples ; un seul suffira.

Horace termine l’ode XXXVIIe de son premier livre, chant d’allégresse où il célèbre la victoire des Romains sur Cléopâtre, par les beaux vers que voici :


Deliberata morte ferocior,
Sævis Liburnis scilicet invideus
        Privata deduci superbo,
    Non humilis mulier triumpho.


Que d’idées et d’images groupées en un si petit espace ! On y voit les sentiments complexes de Cléopâtre, à la fois plus fière depuis qu’elle a perdu le trône et décidé sa mort, et jalouse, ce semble, de dérober ainsi aux navires d’Octave l’honneur de traîner une telle femme à la pompe triomphale. Il vous paraît impossible, n’est-ce