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Page:Horace - Odes, Épodes et Chants séculaires, Séguier, 1883.djvu/155

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Roulant pêle-mêle arbres, maisons, troupeaux,
Rochers éboulés, — aux clameurs des montagnes,
      Aux clameurs des forêts leurs compagnes,
   Quand un déluge arrache à leur repos

Les flots assoupis. Celui-là vit son maître
Et content, qui peut se dire chaque soir :
      « J’ai vécu ! Que demain d’un ciel noir
   Zeus nous recouvre, ou qu’il fasse renaître

Un soleil brillant, il ne rendra pas vain
Le passé réel ; et jamais son empire
      Ne saurait ni changer ni détruire
   Ce qu’une fois l’heure emporta soudain. »

Joyeuse toujours de sa tâche inhumaine,
Tenace à jouer son jeu plus qu’insolent,
      La Fortune, aveuglée, aveuglant,
   D’un seuil à l’autre au hasard se promène

L’atteins-je ? à merveille. Avec célérité
S’enfuit-elle ailleurs ? ses dons, je les résigne ;
      Je m’enferme en une vertu digne,
   Ne demandant qu’honnête pauvreté.

Que d’autres, au choc des tempêtes d’Afrique
Dont mugit leur mât, s’abaissent à des vœux
      Indécents, offrant l’aumône aux dieux,
   Pour que l’Egée, en son sein colérique,

N’engouffre leur charge et de Cypre et de Tyr :
Moi, de tout malheur, sur ma barque à deux rames,
      Un vent tiède, et vos propices flammes,
   Divins Gémeaux, viennent me garantir.