Ce dieu, ce dieu jaloux pour qui seul tu t'enflammes,
Est-ce un dieu qui se plaise à diviser les âmes ?
Vous dites que le monde est sorti de ses mains, [590]
Que lui seul de son souffle anime les humains,
Que par lui tout se meut, que par lui tout respire,
Condamnerait-il donc un feu qu'il nous inspire,
Malgré notre penchant voudrait-il détacher
Deux coeurs infortunés qu'il fit pour se chercher ? [595]
D'un coeur qu'il créa libre il veut le sacrifice ;
Il ne nous force point afin qu'on le choisisse.
Nous ne devons aimer ni haïr qu'à son gré.
Oui, malgré tout l'amour dont je suis dévoré,
Il veut que je vous fuie ; et pour le satisfaire, [600]
Je vais d'Antiochus irriter la colère.
Je déteste ses dieux, et ne cours qu'en ce lieu
Le danger d'adorer ce qui n'est pas mon dieu.
Arrête. Je respecte un refus magnanime,
Je n'éxigerai plus ce que tu crois un crime. [605]
De tes propres remords mon coeur est combattu ;
Misaël, ma faiblesse adopte ta vertu :
Mais, promets-moi du moins, s'il t'est permis de vivre,
Sans blesser ton devoir, si mon soin te délivre,
Jure-moi de ne plus t'obstiner à périr ? [610]
Et pour prix de mon coeur, laisse-toi secourir.
Je me rends ; mais du moins songez...
Tu peux m'en croire,
Autant que de tes jours, j'aurai soin de ta gloire.