Laissez-le respirer après ses longues peines ; [1165]
Faites cesser le cours de tant de cruautés ;
Et signalez sur nous vos premières bontés :
Ou s'il vous faut, Seigneur, encor une victime,
Frappez ; que mon trépas soit votre dernier crime.
Éteignez dans mon sang un injuste courroux. [1170]
Heureux ! Si mon supplice est la grâce de tous.
Non, ne te flatte point que ta mort me suffise.
J'ai trop appris combien Misaël la méprise ;
Et je ne pourrais plus compter sur ton effroi,
Si mon courroux n'avait à menacer que toi. [1175]
C'est sur un autre coeur que vengeant mon outrage,
Je te ferai frémir malgré tout ton courage.
Grâce au ciel ma fureur ne peut plus se tromper.
Je sais pour te punir où ma main doit frapper.
Eh ! Que vous servirait de frapper Antigone ? [1180]
Espérez-vous qu'alors ma vertu m'abandonne ?
Malgré tout mon amour, l'aspect de son trépas
Déchirerait mon coeur et ne le vaincrait pas.
À Antigone.
Madame...
Ne crains rien de mon sexe timide.
Je suivrai sans faiblesse un époux intrépide. [1185]
En m'unissant à toi, mon coeur s'est revêtu
De tous tes sentiments, de toute ta vertu.
Que la vie avec vous m'eût été précieuse !
Que la mort avec toi me sera glorieuse !
Ne devions-nous, hélas ! être unis qu'un moment ? [1190]
Cher époux, nous mourrons, du moins en nous aimant.
{{Personnage|Ant