Ah ! Ma mère, bien loin que sa fureur se lasse,
Le cruel me prépare un supplice fatal [1250]
Qu'il imagine moins en tyran qu'en rival.
Si je m'offre à la mort, Antigone est perdue ;
Je la livre aux bourreaux, ma présence la tue ;
J'allume le bucher qui la doit dévorer,
Et je l'y précipite, en courant m'y livrer. [1255]
Et si tu n'y cours point, qu'est-ce donc qu'il espère ?
Qu'en adorant ses dieux, j'éteindrai sa colère.
Et tu consentirais qu'il osât l'espérer ?
Vous me faites frémir. Mais je dois demeurer ;
De ces funestes lieux attendre qu'on m'arrache ; [1260]
Et n'être, s'il se peut, ni barbare, ni lâche ;
Me résoudre à la mort que je ne fuirai pas,
Sans aller d'une épouse ordonner le trépas :
Car, madame, songez que l'amour qui m'anime,
Tout extrême qu'il est, a cessé d'être un crime. [1265]
Sans honte et sans remords j'en subis la rigueur ;
Et c'est sans le souiller qu'il déchire mon coeur.
Où prendre dans ce trouble un conseil salutaire !
Plein de ce que je sens, vois-je ce qu'il faut faire ?
Je sais que le tyran va soupçonner ma foi ; [1270]
Je le sais, et j'attends : mais enfin je le dois.
Ces jours unis aux miens qu'il faut que je respecte...
Ciel ! Qu'entends-je ! Tu dois laisser ta foi suspecte !
Misaël à mes yeux ose penser ainsi !
La faiblesse et l'erreur le retiennent ici ! [1275]
Savons-nous quel secours le seigneur nous prépare ?