Mais de plus longs délais nous feraient trop d'injure ;
Et moins vous vous plaignez, plus vous me faites voir [285]
Que je dois n'écouter ici que le devoir.
Par mes ordres mon fils dans ces lieux va se rendre.
Le dessein en est pris ; et je lui vais apprendre...
Ah ! De grâce, Seigneur, ne précipitez rien.
Entre vos intérêts, daignez compter le mien. [290]
Si depuis qu'en ces lieux j'accompagnai ma mère,
Vous m'avez toujours vue attentive à vous plaire ;
Si toute ma tendresse et mes respects profonds,
Et de fille et de père ont devancé les noms ;
Daignez attendre encore...
De tant de résistance [295]
Je ne sais à mon tour ce qu'il faut que je pense.
L'infant est-il pour vous un objet odieux ?
Et ce prince à tel point a-t-il blessé vos yeux,
Que vous trouviez sa main indigne de la vôtre ?
Pourquoi craindre l'instant qui vous joint l'un à l'autre ? [300]
J'ai peine à concevoir, Madame, que mon fils
Soit aux yeux de Constance un objet de mépris.
Un objet de mépris ! Hélas, s'il pouvait l'être !
Si moins digne, Seigneur, du sang qui l'a fait naître,
Son hymen à mes voeux n'offrait pas un héros, [305]
J'attendrais sa réponse avec plus de repos.
Mais, je ne feindrai pas de le dire à vous même,
Je ne la crains, Seigneur, que parce que je l'aime.
Souffrez qu'en votre sein j'épanche mon secret :
Quel autre confident plus tendre et plus discret, [310]
Pourrait jamais choisir une si belle flamme ?