[730]
Dans ce désordre affreux, je ne puis vous entendre.
Allez à votre père, et courez le défendre.
Allez mettre à ses pieds ce fer séditieux ;
Méritez votre grâce, ou mourez à ses yeux.
Je souffrirai bien moins du destin qui m'accable, [735]
À vous perdre innocent, qu'à vous sauver coupable.
Laissez-moi mettre au moins vos jours en sureté.
Je ne crains que pour vous un monarque irrité.
Laissez-moi remporter ce fruit de mon audace ;
Et je reviens alors lui demander ma grâce. [740]
J'écoute jusques-là l'inflexible courroux ;
Et ne puis rien sur moi, tant que je crains pour vous.
Ah ! Par tout ce qu'Inès eût sur vous de puissance,
Reprenez, s'il se peut, toute votre innocence.
Allez désavouer de coupables transports ; [745]
Pour prix de mon amour, donnez-moi vos remords.
Mais si vous m'en croyez moins qu'une aveugle rage,
Je demeure en ces lieux, et j'y suis votre otage.
Quoi ! Barbare, osez-vous refuser mon secours ?