Le dernier de mes fils, trouble encore mon âme.
J'ai vu son coeur brûlant d'une coupable flamme ;
D'un amour qu'il combat, il est toujours rempli ; [175]
Et s'il n'est pas vaincu, du moins est affaibli.
Quand Apollonius dans Sion alarmée
Du superbe tyran vint établir l'armée,
Qu'au nom d'Antiochus vengeur des nations
Il donna le signal de nos proscriptions, [180]
Misaël vit souvent Antigone sa fille,
Digne d'un autre peuple et d'une autre famille.
Il voulait pour les juifs obtenir sa pitié ;
Par elle, des tyrans vaincre l'inimitié.
Il ne suivait alors d'intérêts que les nôtres : [185]
Mais il pensa se perdre, en priant pour les autres.
Antigone brillant de vertus et d'appas,
Fit sur lui des progrès qu'il n'apercevait pas.
Il les connut enfin ; et pour mieux s'en défendre,
Son amitié naïve osa me les apprendre. [190]
Je lui représentai les lois de son devoir.
Malgré nos intérêts, il cessa de la voir.
Pour étouffer des feux dont notre loi s'offense,
Lui-même il s'imposa la plus sévère absence ;
Et son coeur, dont je dois encor me louer, [195]
Du moins, en les sentant, sut les désavouer.
Mais, ma chère Tharès, il faut ne te rien feindre,
Pour lui plus que jamais tout est encore à craindre.
Cette même Antigone est près d'Antiochus.
Les secrets du tyran dans son sein sont reçus. [200]
Il la laisse après lui maîtresse de l'empire.
Misaël l'a revue, hélas, sans me le dire !
C'est pour nos intérêts, dit-il ; mais que je crains
Qu'il ne donne ce nom à des feux mal éteints.
Que je crains cet amour dont le conseil perfide, [205]
Au plus doux de nos rois inspira l'homicide ;