Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 4.djvu/95

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Cet honneur m'appartient ; et c'est l'unique fois

Que sur vous mon aînesse a réclamé ses droits. [260]

Nous avons obéi, Madame ; et son courage

Méritait ce respect encor plus que son âge.

Ce héros à l'instant se jette dans les mains

Qu'armaient contre ses jours cent tourments inhumains.

Tout son sang a jailli sous les verges cruelles. [265]

Ils essayaient sur lui des tortures nouvelles.

Ses membres par le fer tour à tour déchirés,

Ses yeux mêmes, ses yeux qu'au seigneur il élève

Arrachés et brûlants... vous frémissez !...

Salmonée

Achève.

Misaël

Il meurt de ce supplice ; et soudain à l'envi, [270]

Non moins dignes de Dieu, les autres l'ont suivi.

Figurez-vous toujours la même violence,

Et les mêmes tourments et la même constance.

Voyez-les au milieu de leurs maux effrayants

Lancer encore au roi des discours foudroyants, [275]

Insulter saintement à son orgueil farouche ;

L'éternel avait mis son esprit dans leur bouche ;

Et leur voix prophétique, organe du Seigneur,

Accablait le tyran d'un avenir vengeur.

L'orgueilleux frémissait ; et sa colère aigrie [280]

De ses bourreaux trop lents irritait la furie.

Antigone au contraire en ces affreux moments,

Semblait par sa pitié sentir tous les tourments.

Et d'un torrent de pleurs exprimant ses alarmes...

Salmonée

Eh ! De quel oeil, mon fils, avez-vous vu ces larmes ! [285]

Misaël

Que me demandez-vous ? Par quel trouble indiscret

Ai-je pu m'attirer ce reproche secret ?