Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/152

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Nul ne s’en sauve. Or avec bien du mal,
À peine se traînoit l’invalide animal.
Alors du bord de la riviere,
La grenouille lui dit, raillant hors de saison :
Tu ne trotteras plus en avant, en arriere,
À droite, à gauche, ainsi que tu le trouvois bon.
Il faudra, mon enfant, rester à la maison.
Point du tout, reprit la boiteuse ;
Nous trotterons encor avec l’aide de Dieu.
J’ai des jambes de reste. Où, ma mie, en quel lieu
Les mets-tu ? Lui dit la railleuse.
Oüi, j’en trouve quand il m’en faut ;
Et je sçaurai bien-tôt m’en faire une meilleure,
Dit l’écrevisse, qui sur l’heure.
Se casse la jambe plus haut.
Que fais-tu là ? Dit la grenoüille.
Est-ce-là ton remede ? Oüi. Tu n’y penses pas ;
C’est se plonger dans l’eau, de peur qu’on ne se moüille.
Attends cinq ou six jours, dit l’autre, et tu verras.
En effet, de par la nature,
La jambe en peu de jours revint.
La raison quelquefois fait ce que fit l’instinct.
Il est des maux de difficile cure.
Les remèdes en sont d’autres maux apparens.
En discerner les temps, en appliquer l’usage,
N’est pas le fait des ignorans :
C’est le vrai chef-d’œuvre du sage.
L’HUITRE