Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/200

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LE SOC ET L’EPEE

Autrefois le soc et l’epée
Se rencontrerent dans les champs.
De sa noblesse elle tout occupée,
Ne sembloit pas appercevoir les gens.
Le soc donne un salut, sans que l’autre le rende.
Pourquoi, dit-il, cette fierté ?
L’ignores-tu ? Belle demande !
Tu n’es qu’un roturier, je suis de qualité.
Eh ! D’où prends tu, dit-il, ta gentilhommerie ?
Tu ne fais que du mal ; je ne fais que du bien :
Mon travail et mon industrie
De l’homme entretiennent la vie ;
Toi, tu la lui ravis, bien souvent sur un rien.
Petit esprit, ame rampante,
Dit l’epée ; est-ce ainsi que pensent les grands cœurs ?
Oüi, répondit le soc ; on a vu des vainqueurs
Remettre à la charuë une main triomphante :
Témoins les romains nos seigneurs.
Mais sans moi, dit la demoiselle,
Ces romains eussent-ils subjugué l’univers ?