Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/221

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L’OPINION

J’implore ton secours, invention divine,
Je ne puis travailler sur d’antiques tableaux :
Si je ne crée et si je n’imagine,
Je jette de dépit et couleurs et pinceaux.
Les fictions d’autrui n’excitent point ma veine ;
Si le fonds n’est à moi j’y bâtis avec peine.
Je craindrois toûjours que le dol
Ne m’en dépossédât sous ombre de justice,
Et qu’un jour le maître du sol
Ne revendiquât l’édifice.
Ne brodons point enfin le canevas d’autrui.
Jadis on inventoit ; inventons aujourd’hui.
Nos peres l’ont bien fait ; ne pourrions-nous le faire ?
Non, me dit-on, les tems en sont passés.
Il falloit naître aux jours ou d’ésope ou d’Homere ;
Mais vous venez trop tard. Imitez : c’est assez.
Je n’en suis point d’avis. Il semble à ce langage
Que le monde soit décrépit,
Qu’il ait tout vû, qu’il ait tout dit :
Il s’en faut bien ; il n’est qu’à la fleur de son âge ;