Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/223

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d’enfant.
Demandez-moi qui l’avoit abusée ?
Je n’en sçais rien, mais on comprend
Qu’abuser l’ignorance est chose bien aisée :
Elle étoit grosse enfin, le dernier mois couroit.
Sur cet évenement maint oracle à la ronde
En termes pompeux déclaroit
Qu’elle alloit accoucher de la reine du monde ;
D’un enfant qui feroit des rois, même des dieux ;
Qui regleroit lui seul tous les usages ;
Et si vous voulez encor mieux,
Qui fonderoit des écoles de sages ;
Le monde désormais verroit tout par ses yeux.
On accouche de peur ; mais la pauvre ignorance
Accoucha d’admiration :
L’oracle s’accomplit. Comment ? Par la naissance
De demoiselle opinion.
On fait venir l’orguëil et la paresse,
Parens de l’ignorance, et de plus ses amis ;
Et de nommer l’enfant l’honneur leur est remis.
La marraine l’admire, et lui sourit sans cesse ;
Le parrain gravement le flate, le caresse ;
Et de leur pleine autorité
Ils l’appellent la vérité.