Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/254

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LES AMIS TROP D’ACCORD

Il étoit quatre amis qu’assortit la fortune ;
Gens de goût et d’esprit divers.
L’un étoit pour la blonde, et l’autre pour la brune ;
Un autre aimoit la prose, et celui-là les vers.
L’un prenoit-il l’endroit ? L’autre prenoit l’envers.
Comme toûjours quelque dispute
Assaisonnoit leur entretien,
Un jour on s’échauffa si bien,
Que l’entretien devint presque une lutte.
Les poumons l’emportoient ; raison n’y faisoit rien.
Messieurs, dit l’un d’eux, quand on s’aime,
Qu’il seroit doux d’avoir même goût, mêmes yeux !
Si nous sentions, si nous pensions de même,
Nous nous aimons beaucoup, nous nous aimerions mieux.
Chacun étourdiment fut d’avis du problême,
Et l’on se proposa d’aller prier les dieux
De faire en eux ce changement extrême.
Ils vont au temple d’Apollon
Présenter leur humble requête ;
Et le dieu sur le champ, dit-on,
Des quatre ne fit qu’une tête :
C’est-à-dire, qu’il leur donna