On sent l’honneur de se reprendre,
Et le plaisir de ne céder qu’à soi.
Ce qu’un autre nous dit se grave sur le sable ;
Ce que nous nous disons se grave sur l’airain.
Ainsi fut fait l’esprit humain ;
Et vous l’allez voir par ma fable.
Il étoit un tyran, l’horreur de ses vassaux,
Qui se joüa long-tems au gré de son envie,
De leur honneur, de leurs biens, de leur vie.
Guerre, famine, peste, et s’il est d’autres maux,
Tous ensemble eussent moins affligé la province,
Que ne faisoit ce méchant prince.
Il changea pourtant un beau jour.
Le tyran se transforme en prince débonnaire ;
Neron devint Titus, et son peuple eut un pere :
Il en étoit l’horreur ; il en devint l’amour.
Un de ses courtisans lui demandant la cause
De cet étrange changement ;
Tout étrange qu’il est, dit le roi, peu de chose
L’a produit en un seul moment.
Un jour que j’étois à la chasse,
J’apperçus un renard, qui de gayeté de cœur
Étrangloit un poulet qui lui demandoit grace :
Soudain accourt un loup d’aussi mauvaise humeur,
Qui vous met le renard en quartiers sur la place.
Je vois un tigre au même-tems,
Qui sur le loup assouvissant sa rage
Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/268
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée