Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/311

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Lelio, c’est Arlequin :

Un seul de ces deux en vaut quatre.
Le monde court en foule à ce nouveau théâtre ;
Chacun les voulut voir. Or le jeu du lion
Étoit de ne le plus paroître,
D’être doux, complaisant et docile à son maître ;
Il jouoit la soumission.

De sa queuë il lui faisoit fête ;
De sa patte le caressoit ;
Souffroit que dans sa gueule il enfonçât la tête ;
Le spectateur en frémissoit.
Le singe d’autre part fait sur son camarade
Cent jolis tours, mainte gambade ;
Monte à cheval sur lui, le mene à son desir :
Le spectacle à la fois faisoit peur et plaisir.
Dom Bertrand applaudi, pour l’être davantage,
S’avise un jour d’un tour de son métier :
Et pour imiter l’homme, osant trop se fier
À la docilité de l’animal sauvage,
Va dans la gueule du lion
Fourer sa tête. Une telle action
Surprend le lion et l’irrite :
Il redevient féroce, et sans attention
À sa mort autrefois prédite,
Il étrangla Bertrand pour l’indiscrétion.
Mais punissant la faute, il en fit une extrême ;
Du colier de Bertrand il s’étrangla lui-même.