Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/368

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LE FAUCON ET SA SONNETTE

Certain oiseau de proie échappé de sa chaîne
Une sonnette au pied voloit je ne sçais où,
Le bruit attiroit dans la plaine
Nombre de regardans, car le monde est si fou ?
L’oiseau qui n’étoit pas plus sage
Comptoit avec orguëil ce peuple curieux.
Qu’elle foule sur mon passage
Se disoit-il ! Sur moi tout le monde a les yeux.
Oiseaux qui volés sans sonnettes
Vous parcourez les airs sans qu’on en fasse un pas.
À peine sçait-on si vous êtes,
J’aimerois autant n’être pas ;
Il faut faire du bruit afin qu’on nous regarde,
Il étaloit ainsi sa fierté babillarde.
Le maître arrive au bruit, et l’esclave aussi-tôt
Volé par un faucon servant de grand prévôt,
S’abat, est contraint de se rendre
Sans sa sonnette où l’eût-on été prendre ?
Votre nom fait du bruit, vous vous en savez gré !
Mais en de vrais liens souvent ce bruit vous jette.
Pour être libre, il faut être ignoré.
Heureux les hommes sans sonnettes.