Page:Houde - De cinq à sept, comédie en un acte, Revue Moderne déc 1924.djvu/9

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FRED :

Ne te moques pas. Ce n’est que du rêve, trop beau, il ne se réalisera jamais… (pendant qu’il marche, se rendant à une fenêtre). D’ailleurs, dans la vie, tout n’est qu’illusion d’une heure, caprice d’un jour. Tiens, il n’y a que cela de vrai et qui ne change pas, la neige. (la neige tourbillonne au dehors). Tous les ans, elle nous arrive semblable aux années précédentes ; c’est monotone et pourtant c’est beau, la neige ! On dirait un voile de première communiante… la neige, vois-tu, c’est aussi un rêve blanc… un tourbillonnement dans lequel papillonnent des visions de jeunesse, lointaines, si lointaines, qu’elles forment un nuage indécis qu’on voudrait saisir et on ne peut pas… et l’attendrissement nous gagne stupidement…

ANDRÉ :

Il n’y a rien de stupide dans ce souvenir ; seuls, les êtres incapables d’une émotion vraie ridiculisent les choses qui nous tiennent au passé. Même âgé, l’homme est toujours un grand enfant ! Moi-même… Tiens, vieux, du nerf, tu ne vas pas te laisser abattre ainsi, tu vas lutter…

FRED :

Non, pour cela, vois-tu, il faut avoir près de soi une compagne ; d’avoir dans sa misère un être faible à défendre contre l’adversité, cela vous grandit… cela vous donne des muscles… (geste) cela vous rend fort, invincible ! Mais moi, je n’ai même pas cela… (le téléphone sonne à cet instant). Qu’est-ce qu’on peut bien me vouloir ?

ANDRÉ :

C’est peut-être Nantel qui t’appelle d’Ottawa…

FRED :

(à l’appareil) Allô ! oui, c’est moi… Grand