CHAPITRE XV
CHEZ M. BÉGON
La place que M. Bégon occupait dans l’estime du marquis de Beauharnais, et sa rivalité avec M. Hocquart, qui était tout à fait dans les bonnes grâces de la marquise, le rendaient un personnage d’autant plus important qu’on se demandait alors lequel des deux parviendrait à être le mieux recommandé et à supplanter l’autre dans les faveurs de la cour de Louis xv. La maladie singulière du commandant des Trois-Rivières arrivait si à-propos pour M. Hocquart, qu’elle avait donné lieu à d’étranges soupçons dans l’esprit de plusieurs. Elle avait rempli de consternation les amis de l’un et ravivé les plus grandes espérances dans le cœur des partisans de l’autre.
À son arrivée, DuPlessis trouva les amis de M. Bégon accourus à la nouvelle de l’aggravation de sa maladie. Les visages étaient assombris. Lorsqu’il pénétra dans l’antichambre, Godfroy de Tonnancourt vint au-devant de lui :
— Soyez le bienvenu, dit-il, puisque vous revenez au moment du danger.
— M. le commandant serait-il donc sérieusement atteint ? demanda DuPlessis avec anxiété.
— Nous le craignons, cher ami, et tout porte à croire que c’est le fruit de la trahison.
— Serait-il possible, M. de Tonnancourt ? Mais M. Hocquart est un homme d’honneur.
— Alors, reprit de Tonnancourt, pourquoi a-t-il une suite composée de brigands ? Celui