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LE MANOIR

Taillefer fit monter la dame sur son cheval et, lui, marcha ou plutôt courut à pied à côté d’elle pour rejoindre au plus vite la troupe de comédiens, alors à une demi-lieue environ d’eux. Comme ils en approchaient, Taillefer, se retournant, vit au loin deux cavaliers qui venaient vers eux bride abattue. Il pâlit et dit d’une voix affectée par l’émotion :

— Ce sera une plus mauvaise rencontre que celle du marchand, je pense.

— Tirez votre poignard ! s’écria Mme Hocquart, et percez-moi le cœur plutôt que de me laisser tomber entre leurs mains, si ce sont ceux que je suppose.

— Je préférerais mille fois me le passer moi-même à travers le cœur. Mais ne vous désolez pas, madame ; nous allons tâcher de nous confondre au milieu de cette troupe de comédiens.

Au bout d’une minute ou deux, ils avaient rejoint la troupe de comédiens, arrêtée par suite d’un accident arrivé à l’un d’eux, dont le cheval était tombé. Le cavalier, entraîné dans la chute, s’était foulé le pied. Ce fut pour Taillefer l’occasion d’exercer ses talents de docteur, et il se mit à bander le pied du cavalier estropié. Mme Hocquart descendit de cheval, se retira un peu à l’écart, et, grâce à son costume de paysanne, elle ne fut pas remarquée par Deschesnaux ni Lavergne, lorsqu’ils s’approchèrent de la petite caravane.

— Vous vous rendez aux Trois-Rivières pour jouer devant Son Excellence et sa suite ? demanda Deschesnaux.

— « Recte quidem, domine spectatissime » (oui, très magnifique seigneur), répondit un des acteurs, qui, le lecteur l’a déjà deviné, n’était autre que maître Apollon Jacques.

— Et pourquoi vous arrêtez-vous, quand vous savez que vous êtes en retard pour arriver aux Trois-Rivières ?