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MYSTÉRIEUX
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— Ce ne peut être que le diable ou Cyriaque le lutin, dit Taillefer, en cherchant à se débarrasser du nain.

— Maître sorcier, vous voulez m’éloigner ! Et comment auriez-vous pu passer à la barrière sans le lutin qui a prévenu le chef du peloton de soldats que notre principal jongleur, porteur d’une redingote bleue, nous suivait à une courte distance avec sa sœur ? Alors je suis grimpé de mon cheval sur cet arbre pour vous attendre.

— Je reconnais ta supériorité, nain protecteur, et ce n’est pas d’aujourd’hui. Montre-nous seulement autant de bonté que tu as d’adresse et de pouvoir.

Rendu à la maison occupée par le docteur Alavoine, on répondit à Taillefer que M. Hocquart n’était pas encore arrivé, qu’il n’arriverait qu’en même temps que Son Excellence le gouverneur général, qu’il n’y avait pas de place là pour les étrangers, que les comédiens attendus de la Pointe-du-Lac et d’Yamachiche devaient aller chez M. Bégon, qui leur avait fait préparer des logements dans les dépendances du château.

— Que faire, murmura Taillefer à sa compagne ? suivre ces comédiens, nous confondre avec eux, en attendant ?

Mme Hocquart, l’air abattu et distrait, fit un signe d’acquiescement.

La porte du jardin de M. Bégon était gardée par un homme aux proportions herculéennes. Il représentait un sauvage, et avait une peau d’ours jetée sur ses épaules. Sa physionomie avait un aspect dur, farouche et stupide. Il paraissait éprouver une grande anxiété : il s’asseyait sur le banc placé près de la porte, puis se levait pour revenir s’asseoir de nouveau, sa tête appuyée dans ses mains. Taillefer essaya de profiter d’un instant où le géant était plus absorbé pour entrer dans le jardin.