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LE MANOIR

— Soyez tranquille, la mère, observa le pédagogue, ce gentilhomme n’est pas de l’étoffe dont sont faits les étourneaux. Ainsi, monsieur, vous seriez « bis terque felix » (deux et trois fois heureux), si je vous indiquais la demeure du maréchal ?

— Mon bonheur et ma reconnaissance seront d’autant plus grands que vous me l’indiquerez plus vite, répondit DuPlessis impatienté.

— Savez-vous bien, monsieur, reprit le pédagogue avec flegme, ce que vous me demandez ? Juvénal a eu raison de dire : « Numinibus vota exaudita malignis » (vœux exaucés par des divinités ennemies).

— S’il vous plaît, docte professeur, insista DuPlessis de plus en plus ahuri, laissez Juvénal et son siècle et revenez au maréchal-ferrant ; veuillez me dire en français où je puis le trouver ? Ou bien dites-moi s’il y a une auberge dans les environs.

— C’est ce qui sera facile, illustre voyageur ; car, bien qu’il n’y ait pas d’« hospitum » (hôtellerie) dans cette humble maison, je puis vous affirmer que la maîtresse du logis saura se montrer aimable envers vous. Reconnaissante du soin que j’ai mis à former son unique héritier, Cyriaque, enfant qui promet beaucoup, la mère Laforce vous servira à déjeuner par affection pour moi, dont vous êtes sans doute le digne confrère.

DuPlessis pensa qu’il ferait bien d’accepter cette offre, espérant qu’après le repas le pédagogue lui enseignerait la demeure du maréchal. Il se mit donc à table avec Apollon Jacques, qui crut devoir lui expliquer que son prénom d’Apollon lui venait de ce qu’il enseignait le chant, en même temps que la lecture, l’écriture et le calcul, avec un talent qui l’avait fait comparer au dieu de la musique chez les païens de l’antiquité. Ce surnom l’entraîna