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MYSTÉRIEUX
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bas, veille à les cuillers d’argent. Ce sont quelquefois les personnes à la mine la plus honnête qui ont l’art de les mieux escamoter… Ce sera, M. DuPlessis, un grand hasard si mon maître vous reconnaît, car il ne se rappelle presque plus rien. Avant-hier, il me dit le soir : « Demain tu me selleras Fidèle, et nous irons faire une partie de chasse. » Nous étions ravis de joie et nous fûmes prêts de bon matin. Il se mit en selle mais ne dit pas un mot ; et, avant qu’on eût fait quinze arpents, il s’arrêta tout à coup, regarda autour de lui comme un homme qui s’éveille, et, tournant bride, il revint au manoir sans parler.

Tout en écoutant le vieux serviteur, DuPlessis arriva à la chambre de M. de la Touche. Le noble vieillard était assis sur un grand fauteuil, au bout d’une longue salle, dont les murailles étaient ornées de bois de cerf et de tout l’attirail de la chasse. Sur la haute cheminée on voyait suspendus des pistolets, des fusils et des épées que la rouille n’avait pas complètement respectés. Le vieillard paraissait assoupi ; cependant au bruit des pas de DuPlessis, il ouvrit les yeux et les fixa sur lui avec un air d’incertitude ; puis, poussant un soupir, il ouvrit les bras et, serrant DuPlessis sur son cœur, il murmura :

— Je n’ai donc pas tout perdu !…

Et des larmes coulèrent sur sa barbe blanche.

— Je ne vous ferai qu’une question, mon cher enfant, reprit-il au bout d’un instant : l’avez-vous retrouvée digne de nous ?

— Hélas ! mon vénérable ami, répondit DuPlessis avec douleur, la femme de Deschesnaux ne veut pas revenir chez son vieux père ; elle est comme enchaînée par une triste fatalité à la demeure où le scélérat la tient soustraite à tous les regards du dehors. Je ne la reconnais