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LE MANOIR

au lieu même où croît la vigne. L’Espagnol est trop habile pour vous envoyer la quintessence de la grappe. Il faut voyager, si vous voulez être profondément versé dans les mystères du tonneau.

— Ma foi ! monsieur le voyageur, si je ne revenais de mes voyages que pour être mécontent de ce qui se trouve dans mon pays, il vaut mieux que je reste tranquille au coin de mon feu.

— Ce n’est pas penser noblement, mon hôte, et je garantis que ces messieurs ici présents ne sont pas de votre avis. Je parie qu’il y a parmi vous, de braves gens qui ont fait un voyage à la Louisiane ou au moins dans la Nouvelle-York ou la Nouvelle-Angleterre ?

— Non, en vérité, il n’en existe aucun.

— Quoi ! pendant qu’il y a tant de braves Canadiens dans le service militaire depuis le fort Frontenac jusqu’à la Nouvelle-Orléans, vous qui paraissez un homme comme il faut, vous n’avez parmi eux ni parent ni ami ?

— Si vous parlez de parents, j’ai bien un mauvais sujet de neveu qui est parti des Trois-Rivières depuis quinze ans. Mais mieux le vaut perdu que retrouvé.

— Et comment l’appelez-vous ?

— Michel Lavergne. On n’a pas grand plaisir à se rappeler ce nom et cette parenté.

— Michel Lavergne ! répéta le voyageur en paraissant frappé de ce nom, serait-ce le brave soldat qui se comporta si vaillamment contre les féroces Outagamis qu’il en fut publiquement remercié par le commandant, M. de Ligneris ?

— Ce ne peut être mon neveu, répondit l’aubergiste, car il n’avait pas plus de courage qu’une poule, à moins que ce ne fût pour le mal.

— La guerre fait trouver du courage, répliqua le voyageur. Ce Michel Lavergne était un