Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/131

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Chateaubriand avait marqué, pour lui et les siens, les routes azurées. Lamartine ne fut donc pas maître de lui dans ses emportements ; plus d’une fois il se pencha sur le monde réel et voulut s’y acclimater, mais l’inspiration l’en détachait bientôt ; il ne voyait plus la vérité qu’à travers les brumes argentées du matin, les arcs-en-ciel de l’orage, les empourprements du soleil couchant. Aussi était-il moins un homme qu’un poète. Le Sinaï était son Olympe. Il pouvait dire, chaque fois qu’il remontait aux cimes rayonnantes : « J’ai la nostalgie du ciel. » Ç’a été aussi le ciel de Mahomet, avec des houris virginales.

Moins humain que divin, Lamartine fut le poète adoré de toute une période. Il y a toujours eu en France un homme qui est l’homme de tout le monde. Lamartine le fut pendant un quart de siècle. Sous Louis-Philippe, aux premières années du règne, ainsi que pendant les dernières années de celui de Charles X, il fut le vrai souverain comme le fut Voltaire