Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/186

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C’était une malice pour faire vivre sa poésie sous un autre masque. Il croyait, d’ailleurs, que l’immortalité d’André Chénier emporterait bon gré mal gré la sienne avec lui, mais ce rêve s’est évanoui. Quand on n’est que célèbre, on ne devient pas immortel.

Plus d’une fois, j’ai déjeuné gaiement, au café d’Orsay, avec Sandeau et Henri de Latouche. Je n’ai jamais vu d’homme plus charmant, plus gai et plus triste tout à la fois.

Connaissez-vous la légende amoureuse de Breughel, ce peintre charmant, qui avait tant de fois rêvé du paradis dans ses tableaux qu’il finit par y croire, et voulut, chose plus étrange, se créer un Eden réel, un Eden terrestre où, nouvel Adam, il demeurerait seul avec son Ève ? Cet Eden, il se le donna ; mais comme il avait supprimé le serpent et l’arbre de la science, la nouvelle Ève s’ennuya bientôt des joies paradisiaques, et, toute préoccupée des plaisirs mondains, elle s’enfuit pour aller apprendre la science du serpent qu’elle avait