Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/19

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lui inspirait les hémistiches bleus, quoiqu’il aimât le terre-à-terre. Il était toujours au pourchas de quelque fillette du pays latin, une désœuvrée ou une boutiquière, ce qui ne l’empêchait pas de jeter quelques autres hémistiches plus endiamantés chez les femmes du monde soutachées de littérature ; mais le pur bas-bleu, il ne l’aimait pas.

Un soir que nous errions sous les galeries de l’Odéon par une pluie battante, il me dit, en saluant une étalagiste en librairie : « Si nous dînions avec Roxelane ? » La demoiselle répondit à son salut par un sourire de franc-maçonnerie galante. C’est qu’ils avaient déjà dîné ensemble. En ce temps-là, on dînait à six heures. La demoiselle ne fit pas de façons. Elle pria sa voisine de veiller sur ses livres, elle mit son chapeau de travers et nous accompagna discrètement comme une femme qui suit le même chemin. En deux minutes, nous voilà chez Pinson, dans un petit cabinet familier à Sainte-Beuve. Pinson lui-même apparaît :