feu nous rôtit lentement. À l’intérieur du navire règne une atmosphère de fournaise. Il y a quelque profit à rester sur le pont, à l’ombre des mâts et de la cheminée qui nous protègent dans toute la mesure de leurs moyens, lesquels ne valent pas grand’chose en la matière.
Vers le soir, des matelots viennent attacher solidement au bastingage une douzaine de barils de pétrole qui partagent avec nous le pont du navire. Je tirai de là des pronostics qui n’étaient pas d’une folle gaieté, sur ce qui allait avoir lieu prochainement.
Toutefois, la soirée fut charmante. Passagers et hommes d’équipage, groupés çà et là, devisaient agréablement des sujets les plus divers. Il m’arriva de saisir au vol les confidences d’un petit mousse : « Dans deux ans, je serai matelot ; j’arriverai bien à être second ; puis, je serai capitaine ! » Quelqu’un se trouva là pour dire à l’enfant qu’il fallait être bien instruit pour être capitaine, et qu’il était, lui, bien trop ignorant pour avoir jamais un grade d’officier sur les vaisseaux. Maintenant le petit mousse n’a plus d’autres aspirations que celle d’arriver au rang de matelot. Pauvre petit mousse !
Tout à coup, vers onze heures, le vent vira à l’est, et la brise glaciale souffla fortement. L’Otter se cabra. Il me fallut bien quitter le pont où je m’étais attardé. Ma cabine, située à l’avant, me procura l’avantage de suivre admirablement toutes les péripéties de la circonstance. Il fallait entendre ce bruit des vagues, à travers la mince paroi de fer ! Chaque coup de mer ébranlait le vaisseau ; je ne sais comment sa coque pouvait résister à des chocs aussi terribles. À la fin, une voie d’eau se déclara… et ce fut dans ma cabine même que l’accident se produisit. Envisageant la situation avec le calme le plus absolu, je ne songeai qu’à préserver mes effets des atteintes de l’onde amère. Je m’installai donc avec eux sur un divan qui se trouvait à proximité. Mais il fallut encore une fois que nous délogions : nous étions poursuivis jusque-là par le torrent qui descendait du plafond de la cabine. C’était à cet endroit, en effet,