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LABRADOR ET ANTICOSTI

Seulement, et c’est, hélas ! le défaut de ce suprême moyen oratoire, cette « deuxième, édition » est la plus problématique des choses.

Mais voici qu’il va s’agir d’une autre réclamation de la Côte Nord, à laquelle sans doute on ne s’attend guère ! — On demande au gouvernement d’abolir les droits et devoirs féodaux dans le Labrador…

Il existe en effet au Labrador, comme on l’a vu déjà, une seigneurie très authentique, dont le domaine s’étend depuis les Cormorans jusqu’à la rivière Goynish. Lorsque, en 1854, le parlement du Canada proclama l’abolition de la tenure seigneuriale, on ne s’occupa en aucune façon de la seigneurie de Mingan, parce que le gouvernement ne reconnaissait pas alors son existence, qui, dans ces dernières années, à la lumière du flambeau de la jurisprudence, lui a été pleinement révélée. En outre il n’y avait alors à peu près aucun habitant sur la Côte, et il ne pouvait par conséquent être question de droits à réserver en faveur de censitaires qui n’existaient pas.

Puis, avec le temps, on vint s’établir un peu partout le long de la côte ; chacun à sa guise s’est taillé un petit domaine sur le bord de la mer, pendant que les doctes avocats s’occupaient à démontrer aux juges les plus savants tantôt que la seigneurie de Mingan n’était qu’un mythe, tantôt qu’elle existait bien réellement. Les tribunaux ont finalement décidé qu’il y a une seigneurie de Mingan. Et voilà qu’aujourd’hui les seigneurs de Mingan, qui sont des personnages résidant en divers lieux de la Province ou d’ailleurs, réclament une rente annuelle de nos pêcheurs devenus sans s’en douter de purs censitaires. Cette rente est sans doute fort légère, et les gens ne se refuseraient certes pas à payer cette redevance pour le terrain qu’ils occupent et tout le bois qu’ils veulent prendre dans les forêts. Mais, à tort ou à raison, ils sont portés à croire que la façon dont ils sont devenus possesseurs de leurs emplacements, alors que les droits de la seigneurie n’étaient pas encore juridiquement reconnus, les rend peut-être indépendants des seigneurs,