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BETSIAMIS

fait en tout 470 familles, et comme les familles, chez les Montagnais, ne comprennent guère en moyenne que quatre personnes, on arrive au nombre de 1680 individus. On peut dire, en tout cas, que le peuple des Montagnais compte à présent à peine 2000 âmes, y compris le groupe du Lac Saint-Jean. Voilà tout ce qui reste de la florissante nation d’autrefois !

Au moins est-il vrai de dire, pour laisser arriver un rayon de soleil sur ce tableau par trop attristant, que le peuple agonisant fera une mort édifiante, grâce aux bons missionnaires qui l’assistent de leur dévouement. Le but de la Rédemption est atteint chez les Montagnais : ils sont tous chrétiens, et chrétiens pratiquants, et chrétiens fervents. Dieu ne permet pas à l’enfer de semer l’ivraie au milieu de ce bon grain ! C’est la récompense de leur docilité à suivre les enseignements de l’Église de Jésus-Christ. — Nous, les blancs, nous méritons de moins en moins ces bénédictions spéciales du Très-Haut ; et, en particulier, nous, Canadiens-Français, nous soutenons une certaine presse qui mine sourdement la foi dans les âmes et la vertu dans les cœurs : il y a là un crime social dont nous portons la responsabilité et dont nous serons châtiés ici-bas, puisque les peuples sont dès ce monde punis ou récompensés, suivant qu’ils le méritent.

On pourrait penser que le genre de vie des sauvages, qui passent les trois quarts de l’année dans la forêt et sans secours religieux d’aucune sorte, est tout à fait défavorable à la conservation de leur ferveur spirituelle. Eh bien, c’est tout le contraire qui arrive, au témoignage des missionnaires. Lorsqu’ils sont réunis dans les missions, durant l’été, ils se dissipent facilement ; et l’entière oisiveté qui remplit alors leurs journées n’est, pas plus chez eux que chez les blancs, une garantie de conduite irréprochable. Dans les bois, chaque famille est isolée, et rien n’est plus favorable pour la parfaite éducation morale des enfants que la société continuelle des parents. Là, pas de compagnons dangereux pour contre-balancer et même annuler les bons enseignements reçus du père ou de la mère. — Dans le paradis